Le 11 novembre de la libération

11/1944

 

Combien douloureux, pendant quatre ans, fut le 11 novembre. L'ennemi nous interdisait de le célébrer. Sa présence se faisait ce jour-là plus humiliante. Plus que jamais elle insultait nos sentiments les plus profonds. C'est fini. Et voici que nous allons pouvoir la célébrer tous ensemble, ce jour, dans l'allégresse de la libération. C'est le front haut que nous monterons à l'arc de Triomphe et que nous dirons à l'Inconnu : « Désormais nous sommes libres. Les uniformes verts dont la présence insultait votre tombe, vous ne les verrez jamais plus ».

Est-il un jour dont le sens soit pour nous plus profond ? Nous y rendrons hommage à nos morts, ceux de 1914/1918 et ceux de 1939-1944, nous rendrons hommage aux survivants, à ces anciens combattants qui désormais peuvent relever la tête, à ces combattants d'aujourd'hui, qui sur les Vosges célèbrent aussi l'Armistice, mais avec des salves qui ne sont pas chargées à blanc. La présence de nos hôtes britanniques achève de donner à ce jour tout son sens. Ils sont là, comme jadis Lloyd George était à côté de Clémenceau. Cette présence n'atteste-t-elle pas que cette guerre est toujours la même : Verdun et nos Vosges ne sont que deux dates dans la même page de l'Histoire.

Et de la Marne à ces jours sombres de Juin 1940, il n'est pas plus de distance. La France s'est présentée les deux fois avec ce visage du poilu qui le premier sort de la tranchée et qui reçoit les premiers coups, les plus violents. En 1914 le barrage des poitrines découvertes a pu être efficace, on pouvait encore combattre sans armes et la victoire, comme au temps de Napoléon, s'improvisait. Aujourd'hui la défaite des Allemands, Wladimir d'Ormesson l'a merveilleusement démontré, atteste qu'on ne résiste pas à la supériorité du matériel. La rapidité de leur fuite souligne ce que fut notre résistance. Mais, après tout, notre défaite, puisqu'il faut bien employer ce mot, n'a-t-elle pas joué pour nos Alliés le même rôle que la Marne. Les coups que nous avons essuyés ont encore une fois paralysé l'ennemi le temps nécessaire pour que nos Alliés se reprennent.

La France est tombée en 1940, mais elle est tombée comme le héros qui se sacrifie pour le salut de tous. Elle est tombée comme le poilu qui le premier sort de la tranchée, mais les autres après peuvent suivre. Le soldat inconnu de cette guerre, qu'il se soit immolé en 1940 ou en 1944, pourra dormir à côté de l'autre, sous la même dalle. Il sera comme lui le symbole de cette France, quoi qu'elle dût  en subir et risquât-elle la mort, toujours fidèle à ses alliances. Il sera comme lui le symbole de cette France, soldat premier sorti de la tranchée des nations justes et pacifiques.